Editorial n° 14 du site maternage : Profession : mère à part entière !
Profession : mère à part entière !
Je suis toujours agaçée d'avoir à cocher la case "sans profession " des formulaires divers et variés car être mère au foyer c'est tout sauf être inactive.
Etre femme et mère au foyer aujourd'hui, ça veut dire quoi ?
Avoir une vie en marge de la vie économique et sociale ?
Pas
forcément, même si c'est le miroir que l'on nous tend. Une vie
relationnelle riche est possible à travers la vie associative que l'on
peut mener sans se séparer de ses enfants.
Un sacrifice de sa carrière au profit de sa famille ?
Quelle
carrière ? Cela nous ramène au sens de la vie. Travaille-t-on pour
vivre ou vit-on pour travailler ? Notre épanouissement passe-t-il
nécessairement par le travail ? Peut-être parfois mais rarement
"toujours"... De quoi se rappelle-t-on le jour du grand bilan ?...
Un don de soi ?
Oui, c'est certain. Mais n'est-ce pas dans le don que l'on se trouve ?
On
donne au quotidien de son temps, de son corps, de sa disponibilité
d'esprit. Mais c'est alors et alors seulement qu'on peut en récupèrer
les bénéfices. A vouloir ménager la chèvre et le chou on ne contente
personne et à courir deux lièvres à la fois, on perd les deux, comme le
prétend si justement le bon sens populaire.
J'ai eu mes deux aînées tout en travaillant à temps plein dans un
secteur passionnant mais prenant, l'audiovisuel. J'ai connu les nuits
blanches à monter des films, le stress de la vie d'entreprise (la
mienne), le champagne des gros contrats, les moments de gloire et les
moments d'angoisse. J'ai aussi testé les adaptations avec les nounous
et les crèches, le sevrage forcé, la cavalcade pour arriver avant la
fermeture de la garderie, les maladies des enfants qui tournent au
cauchemar !
Mais j'ai surtout beaucoup perdu car je suis passée à
côté de bien des moments de bonheur sans le savoir. Maintenant je sais
tout ce que j'ai raté...
Alors j'ai finalement choisi d'être là pour mes enfants. De les accueillir quand ils reviennent de l'école, de les écouter, de les protéger, de les promener, de les instruire des choses de la vie et de toutes sortes de tâches, de m'amuser avec eux, de les vêtir, de les nourrir, de leur raconter des histoires, de les soigner, de les caliner, d'être là quand ils sont malades et quand ils ne le sont pas, mais, au contraire, pleins de vitalité et de joie à partager.
Vous me direz que je peux me permettre ce choix car les activités de
mon conjoint font bouillir la marmite familiale. Certes, mais c'est
parfois seulement une question de réflexion et de choix.
Avoir une
vie professionnelle intense génère de nombreux frais. Avoir du temps
pour faire les choses permet aussi de faire des économies importantes.
L'un dans l'autre on peut s'y retrouver en apprenant à discerner
besoins et envies.
J'aurais pu avoir ce rythme bien plus tôt mais j'avais été élevée -comme nous toutes- dans l'idée d'avoir un métier et de l'exercer, alors je l'ai fait sans réfléchir un instant et n'ai pas envisagé de m'arrêter à la naissance de mes premiers enfants... jusqu'à ce qu'une dépression me cloue chez moi et me fasse réfléchir au sens de la vie et à ses priorités.
L'autre jour, je me balladais avec ma bambine de 21 mois sur le dos
lorsque nous croisons une dame que je connais. Elle s'extasie sur sa
bouille heureuse et décidée, m'interroge sur ma situation et m'envie de
pouvoir m'occuper d'elle.
Elle me dit aussi qu'elle s'ennuie dans sa
retraite toute neuve et combien elle trouve dommage d'avoir du temps
maintenant que son fils est grand alors qu'elle n'en avait pas à lui
consacrer lorsqu'il était enfant. Il est aujourd'hui devenu un jeune
adulte paumé qu'elle ne sait pas aider, après avoir été un adolescent
révolté et un enfant à problèmes. Je sens de l'amertume dans ses mots
et dans son regard, le sentiment d'avoir été flouée...
Je sais que je ne regretterai pas ce choix. Car c'est celui de la vie. Ce que je vis aujourd'hui est bien plus profond, bien plus fort, bien plus riche et bien plus gratifiant car les sentiments qui m'animent sont moins superficiels que ceux qui m'habitaient lorsque je travaillais à l'extérieur.
Je m'occupe de ma famille et de notre foyer, lieu de repos et de ressourcement de ceux qui me sont le plus cher. J'ai une activité associative riche et variée, que je peux exercer avec ma bambine qui me suit partout. J'ai ce site qui vit en permanence et vous remercie d'être là à le consulter ! J'ai mon activité d'auteur photographe toujours en éveil. Je suis épanouie car j'ai le sentiment d'être à ma place. Enfin ! Je n'ai jamais eu autant de projets et autant de force pour les mener.
Je ne me suis jamais sentie autant utile à ma famille, aux autres et à la communauté.
Emmanuelle Blin-Sallustro, avril 2005